Aujourd’hui, Mgr Jean-Marie Gervais, président de L’ Associazione Tota Pulchra, a eu l’occasion d’interviewer deux experts du secteur spatial de TBS Education et de La Chaire SIRIUS, à Toulouse, en France. Ils ont partagé leurs idées et perspectives sur l’avenir du secteur spatial, un domaine crucial pour l’humanité et la civilisation. Voici les points clés de cet échange:

Pourriez-vous vous présenter ainsi que votre rôle?

VDSP : Je m’appelle Victor Dos Santos Paulino, et je suis professeur de management stratégique et de management de l’innovation à TBS Education (Toulouse Business School) à Toulouse, la capitale européenne de l’aéronautique et du spatial. Je suis également co-directeur de la Chaire de recherche SIRIUS.

Cette chaire mène des travaux de recherche en management, en économie, et en droit appliqué aux activités spatiales, soutenue par des mécènes prestigieux issus de l’industrie spatiale européenne et française, tels que Thales Alenia Space, Airbus Defence and Space, et CNES (Centre National d’Études Spatiales), qui sont nos partenaires.

Nous collaborons également avec notre partenaire académique, l’Université de Toulouse I (Capitole), qui est responsable des activités juridiques. De notre côté, à TBS, nous nous concentrons sur les domaines du management et de l’économie, tandis que nos collègues juristes gèrent les aspects juridiques.

La Chaire SIRIUS a été créée en 2013, et cela fait maintenant plus de dix ans que nous collaborons étroitement avec nos partenaires. Nous organisons aussi divers événements, conférences, Space Talks et lectures.

NP : Je suis Nonthapat Pulsiri et j’ai eu l’honneur de travailler avec Victor Dos Santos Paulino à la Chaire SIRIUS, où j’ai été chercheur postdoctorant pendant un an. Actuellement, je continue de collaborer avec Victor en tant qu’assistant pédagogique et de recherche à TBS Education et Chercheur Affilié à la Chaire SIRIUS.

Avec Victor, nous avons déjà publié plusieurs articles (articles académiques, articles de presse, etc.) appliqués au secteur spatial, avec pour objectif d’apporter de la valeur et d’améliorer les affaires au sein de l’écosystème spatial.

En ce moment, nous poursuivons notre collaboration afin d’apporter une réelle valeur ajoutée grâce à nos travaux.

Comment la Chaire SIRIUS peut-elle apporter de la valeur au secteur spatial?

VDSP : Le secteur spatial connaît actuellement une transformation significative, marquée par une certaine maturité. Cette maturité est à la fois technologique et commerciale, ce qui a permis d’accélérer ce que nous appelons la commercialisation ou encore la démocratisation de l’espace. Cela signifie que de plus en plus d’entreprises entrent dans ce secteur, et que de nombreux États décident également de créer leurs agences spatiales pour développer diverses activités spatiales.

On observe une démocratisation croissante de l’accès à l’espace, rendue possible par la réduction des barrières techniques et financières qui étaient autrefois réservées aux grandes puissances spatiales.

Cette évolution a entraîné une accélération des activités et de la commercialisation, obligeant les industriels à comprendre et à s’adapter à ces transformations économiques et managériales. Toutefois, cette dynamique rapide soulève des défis en matière de régulation, notamment pour éviter les collisions d’objets spatiaux. L’Europe appelle à une régulation plus stricte, comparable à celle du transport aérien, tandis que certains pays préfèrent une approche moins interventionniste, laissant aux acteurs privés le soin d’organiser ce secteur de manière autonome, ce qui évoque des parallèles avec les débats sur la régulation maritime.

NP : Selon moi, il est crucial que l’écosystème spatial soit au centre et qu’il orchestre et mobilise d’autres secteurs pour créer de la valeur. Cette approche permet à l’écosystème spatial non seulement de se développer, mais aussi de stimuler des avancées significatives dans divers domaines. J’ai eu l’opportunité de promouvoir les activités commerciales dans plusieurs secteurs, y compris grâce aux technologies satellitaires, qui ont des impacts considérables sur les transports, l’agriculture, la santé, les télécommunications, etc.

La coopération entre les gouvernements, les institutions académiques et l’industrie, selon le modèle de la triple hélice, est essentielle pour réussir dans le domaine spatial. Les collaborations internationales, telles que celles entre la France et l’Italie, illustrent comment des projets spatiaux peuvent générer des opportunités et contribuer à résoudre des défis globaux. En parallèle, la démocratisation de l’accès à l’espace répond à un besoin croissant de connectivité sur Terre, comme en témoigne le développement des technologies telles que le GNSS pour les véhicules et les systèmes de conduite autonome.

Quels sont vos avis sur l’avenir du secteur spatial?

VDSP : Je pense qu’il est important d’avoir à l’esprit la diversité des technologies offertes par le secteur spatial dans le domaine de la connectivité, de l’observation de la Terre et dans la géolocalisation.

De plus en plus de services du quotidien requièrent un accès constant à Internet, ce qui est désormais possible grâce aux avancées spatiales. Par exemple, la connectivité mondiale offerte par les infrastructures spatiales permet d’assurer un accès Internet partout sur Terre, même dans les zones les plus isolées. Les voitures autonomes, les drones et même les avions bénéficient de cette connectivité, essentielle pour leur fonctionnement efficace. De plus en plus d’armateurs font appel aux satellites pour permettre à leurs marins de rester en contact avec leurs familles et pour optimiser les routes maritimes.

Cependant, ces technologies spatiales, soulèvent également des questions et des préoccupations. La capacité des satellites à surveiller la Terre et à fournir des images de haute qualité peut présenter des risques si ces technologies tombent entre de mauvaises mains. Les questions de souveraineté, de vie privée et de sécurité des installations sensibles deviennent également de plus en plus pertinentes. Par exemple, les satellites permettent de surveiller des sites tels que les centrales nucléaires, ce qui peut poser des défis en matière de confidentialité. Néanmoins, les avancées spatiales apportent également des bénéfices significatifs, comme la découverte d’épaves par les archéologues grâce aux images spatiales, illustrant l’énorme potentiel de ces technologies pour divers domaines.

NP : Pour avancer efficacement dans le secteur spatial, il est essentiel de renforcer la coopération entre les différents acteurs, notamment les gouvernements, les institutions académiques et l’industrie. Les défis liés à l’espace nécessitent une approche collaborative pour élaborer des recherches et des solutions communes. En effet, dans l’espace, les concepts de frontière sont flous, ce qui rend la coopération internationale encore plus cruciale. Les conflits ou les tensions entre pays ne doivent pas entraver les efforts pour travailler ensemble vers un objectif commun, car l’espace est un domaine où les frontières traditionnelles n’existent pas.

La diplomatie joue un rôle clé dans ce contexte, tout comme elle l’a fait à différentes époques de l’histoire pour prévenir les conflits. Aujourd’hui, c’est une opportunité de renforcer les dialogues diplomatiques et les collaborations entre pays, comme entre la France et l’Italie, afin de faire avancer le secteur spatial de manière conjointe. En somme, il est important de continuer à promouvoir cette coopération et de dépasser les divergences pour atteindre des objectifs communs, grâce aux bienfaits apportés par l’écosystème spatial.

VDSP (continue) : Nos recherches à la Chaire SIRIUS montrent également que plusieurs éléments vont influencer l’avenir des activités spatiales. Nous assistons à une résurgence de ce que l’on appelait autrefois la « course à l’espace », rappelant la compétition historique entre l’Union soviétique et les États-Unis pour la conquête de la Lune. Actuellement, cette course semble renaître, avec une rivalité croissante entre les États-Unis et la Chine. Chacun de ces acteurs met en place des initiatives, comme les accord Artémis du côté américain, pour retourner sur la Lune, y établir une présence durable, voire la coloniser.

En ce qui concerne l’Europe, bien que nous disposions d’une industrie spatiale de qualité, un manque de coordination entre les différents acteurs peut parfois freiner notre influence. L’Union Européenne (UE) et ses organisations spatiales doivent continuer leurs efforts pour améliorer la coordination entre ses membres pour atteindre des objectifs stratégiques communs et jouer un rôle central dans le domaine spatial.

Du côté chinois, des initiatives majeurs existent actuellement , avec un fort désir d’attirer d’autres pays. Par exemple, l’Égypte a récemment décidé de participer au projet chinois de colonisation de la Lune. Il est possible que l’Arabie Saoudite, si elle se positionne, le fasse davantage du côté américain, bien que les positions spécifiques restent à confirmer. De nombreux pays du Moyen-Orient et d’Asie tentent également de développer leurs propres capacités spatiales avec une certaine autonomie, sans nécessairement se limiter aux projets américains. En bref, une certaine indépendance dans la mise en œuvre de politiques spatiales est recherchée, à l’image des démarches que nous observons en France et en Italie.

NP (continue) : Je souhaite ajouter des détails sur la durabilité de l’espace, un point sur lequel je rejoins l’avis de Victor. La durabilité spatiale comporte deux aspects principaux : la gestion des débris spatiaux et l’utilisation durable du secteur spatial. Il est primordial de modéliser ces éléments afin de mieux comprendre leur impact à long terme et de développer des stratégies efficaces. Les Nations Unies encouragent les scientifiques à se concentrer sur ces objectifs, soulignant leur importance dans le cadre des nouvelles directives prévues pour l’horizon 2030. Cela inclut l’élaboration de politiques visant à réduire les risques et à préserver un environnement spatial durable. Ce sujet est d’une importance capitale pour l’avenir de l’exploration spatiale et pour garantir la pérennité et l’avancement de nos activités dans l’espace.

Comment les avancées dans le secteur spatial contribuent-elles au développement de l’économie et de la société mondiale?

VDSP : Le secteur spatial a un impact considérable sur le développement économique et social à l’échelle mondiale. D’abord, les avancées dans ce secteur sont essentielles pour la connectivité globale. Les satellites, en orbite autour de la Terre, permettent une couverture complète, facilitant ainsi les communications et les échanges à travers le monde. Cela rend nos vies plus interconnectées et soutient le développement économique en offrant des services fondamentaux tels que la navigation, la météorologie et les télécommunications.

Mais l’impact du spatial ne se limite pas seulement à l’économie. Il joue aussi un rôle important dans l’inspiration et la motivation des gens. Les grandes réalisations, comme le lancement de Spoutnik ou les premiers pas sur la Lune, ont marqué des moments historiques qui ont inspiré des générations entières. Elles véhiculent des valeurs positives telles que la collaboration, la paix et l’entente entre les nations. En offrant ces modèles de réussite et d’ambition, le secteur spatial stimule non seulement l’innovation, mais aussi l’esprit de découverte et de coopération, qui sont essentiels pour l’avenir de notre société.

NP : Je voudrais d’abord parler de l’impact économique du secteur spatial. En soutenant l’économie circulaire, le secteur spatial peut renforcer la direction de la durabilité environnementale. Les technologies spatiales, telles que les satellites, permettent une gestion efficace des ressources et des déchets, contribuant ainsi à la protection de notre environnement. En favorisant la réutilisation et le recyclage des matériaux, ces technologies aident à développer une économie plus durable.

D’un point de vue sociétal, l’exploration spatiale enrichit notre compréhension de l’humanité et améliore nos connaissances sur notre place dans l’univers. Elle influence également les domaines de la technologie, des affaires, et de la diplomatie, en renforçant la coopération internationale et en stimulant l’innovation. Ainsi, le secteur spatial offre des perspectives nouvelles et ouvre des opportunités pour résoudre des défis mondiaux tout en favorisant le progrès et la collaboration à l’échelle globale.

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